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May 2021
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Quand plaider la légitime défense devant les juridictions ?

La légitime défense est une cause objective d’irresponsabilité pénale qui exonère l’auteur d’une infraction de sa responsabilité pénale sous certaines conditions. C’est ce que l’on appelle un fait justificatif.

L’*article 122-5 du code pénal *prévoit

« N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte.

N'est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l'infraction. ».

La légitime défense, qui se distingue de l’état de nécessité prévu à l’article 122-7 du code pénal, a fait débat dans de nombreux cas relayés par la presse (par exemple, l’affaire dite du bijoutier niçois, condamné à 5 ans de prison avec sursis, qui a vu sa boutique visiter de nouveau par des cambrioleurs et a tué l’un des cambrioleurs qui prenait la fuite ou encore, dans le cas de violences conjugales, l’affaire Jacqueline Sauvage).

Ces exemples montrent que l’état de légitime défense est loin d’être évident et est apprécié strictement par les tribunaux. Cette appréciation stricte par les tribunaux se justifie dès lors que la légitime défense si elle est reconnue vient justifier l’usage de la force à l’encontre d’une autre personne. Il n’existe donc pas un droit à la légitime défense, de droit à l’autodéfense ou de droit à se faire justice soi-même. Il s’agit d’une cause d’exonération exceptionnelle de la responsabilité pénale de chacun.

Face à ces débats sociétaux, nous avons décidé de vous présenter cette notion juridique afin de vous permettre d’y voir plus clair, le cadre de la légitime défense étant précisément défini par la loi.

Nous discuterons d’abord, des conditions de la légitime défense, puis des effets de cette cause d’irresponsabilité et enfin des preuves qui peuvent être apportées devant les tribunaux.

La légitime défense invoquée par les forces de police ou de gendarmerie n’est pas détaillée dans cet article et fera l’objet d’un article spécifique, les forces de l’ordre étant soumises à une législation propre sur l’usage des armes et de la violence.

Les conditions relatives à la légitime défense

Afin d’être caractérisée, la légitime défense suppose que l’auteur des violences ait agi de manière nécessaire, proportionnée et immédiate en réponse à une agression injustifiée, certaine et actuelle.

La légitime défense : une réponse à une agression injustifiée, certaine et actuelle contre soi-même, autrui ou un bien

Afin de pouvoir être caractérisé, l’acte de légitime défense doit répondre à une agression injustifiée, certaine et actuelle contre soi-même, autrui ou pour la défense des biens. L’agression peut être en cours ou le péril peut être imminent.

Cependant, il a été reconnu, dans certains cas, par les juridictions que l’agression peut être vraisemblable.

Dans ce cas, la jurisprudence retient les circonstances dans lesquelles se sont déroulés les faits.

Les juges ont ainsi retenu la légitime défense dès lors que ces circonstances étaient de nature à créer la croyance d’une agression certaine chez la personne. Il est ainsi pris en compte par les juges la représentation qui s’est imposée à la victime de l’agression au moment de l’action, compte tenu de ce qu’elle connaissait et de ce qu’elle pouvait imaginer, sous le coup d’une émotion violente de nature à obscurcir son jugement (par exemple, Crim., 18 octobre 1972, n° 71-93.637).

Pour caractériser la légitime défense dans le cas d’une agression vraisemblable, les juges se fondent aussi sur des gestes, des paroles, de l’expression générale du sujet, de l’expression menaçante de son visage, de sa réputation de violence ou encore de la différence de corpulence entre les protagonistes.

Il faut noter que le caractère injustifié de l’agression initiale empêche toute invocation utile de la légitime défense en cas de rébellion à une interpellation par les forces de l’ordre, une interpellation même violente sera considérée comme justifiée.

La légitime défense : une réponse nécessaire, proportionnée et immédiate

Pour être caractérisée, la personne doit avoir une réponse nécessaire et avoir un rapport de proportionnalité entre l’agression subie et la riposte.

La riposte doit être nécessaire en ce qu’elle doit être l’unique solution pour repousser l’agresseur.

Par exemple, la légitime défense a été reconnue dans un cas où la personne avait tué le conducteur d’un véhicule qui écrasait volontairement quelqu’un dès lors qu’il n’existait aucun autre moyen de l’arrêter (Crim., 24 févr. 2015, n° 14-80.222).

Une réponse proportionnée en ce qu’il doit y avoir une proportionnalité entre l’acte infractionnel subi et l’acte que la personne commet pour se défendre. Par exemple, une agression à main nue avec l’usage de coups de poing ou de coups de pied ne saurait justifier a priori l’usage d’une arme à feu.

Cependant, les juges ont pu caractériser la légitime défense alors que les conséquences de l’acte de légitime défense étaient plus graves que l’acte infractionnel initial.

Ainsi, les juges ont retenu l’état de légitime défense dans une espèce où la personne prévenue s’était emparée d’un couteau de cuisine et avait effectué des moulinets pour empêcher ses agresseurs d’avancer et tenter de les faire reculer, et ce quand bien même cette tentative a abouti à des blessures (Trib. Corr. Lorient, 30 mars 1998 ; voir également Crim., 27 janvier 2015, 14-80.115).

L’acte délictuel initial n’est pas nécessairement une atteinte physique.

Par exemple, les juges ont retenu l’état de légitime défense pour un professeur qui a donné un léger coup de pied à une élève qui l’avait insulté de « bâtard, fils de pute, connard » après avoir essayé de forcer le passage (Crim. 18 juin 2002, 01-88.062).

La riposte à l’acte infractionnel doit être immédiate et dans le temps de l’agression. Elle ne peut être préventive ou différée dans le temps. Cela permet, notamment, de ne pas exonérer un acte qui relève de la vengeance et non de la légitime défense.

Par exemple, le fait de tirer sur des personnes qui viennent de commettre un vol mais qui s’enfuient ne remplit pas les conditions de la légitime défense. Dans ce cas, la riposte n’est pas concomitante à l’acte délictuel.

Mise en garde #1 :

La notion de légitime défense se retrouve en droit international public (article 51 de la Charte des Nations Unies. Cet article reconnaît la légitime défense comme un droit naturel ainis que la légitime défense collective). Les Etats peuvent recourir à la légitime défense contre une attaque armée tant que le Conseil de sécurité n’a pas pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. La notion de légitime défense préventive se retrouve également en droit international public. Il s’agit d’une notion controversée qui a été utilisée par certains des États afin de justifier une attaque armée. Une majorité d’État ne reconnaît pas cette notion de légitime défense préventive. Cette notion ne saurait être invoquée utilement devant les tribunaux français.

Mise en garde #2 :

L’affaire Jacqueline Sauvage a donné lieu à un débat devant la cour d’assises et dans la société sur la notion de légitime défense différée. Les avocates de madame Jacqueline sauvage, qui en ont fait un symbole des femmes battues, invoquaient l’état de légitime défense différé dans lequel se trouvait leurs clientes au moment où elle a abattu son mari. Elles argumentaient notamment que le conjoint de Jacqueline sauvage avait régulièrement porté des coups à cette dernière et plaidaient l’acquittement de leur cliente. Cependant, deux cours d’assises ont jugé que madame Jacqueline Sauvage n’était pas en état de légitime défense au moment où elle a tiré sur son mari dès lors que celui-ci ne commettait aucune agression à son encontre à cet instant. Les conditions de la légitime défense, notamment le caractère actuel de l’agression subie, n’étaient donc pas remplies. Elle a été condamnée à 10 ans de réclusion criminelle. Cependant, le président de la République, François Hollande, a gracié madame Jacqueline Sauvage.

Les effets de la légitime défense

La légitime défense a pour effet de neutraliser le caractère infractionnel de l’acte commis. Si le tribunal reconnaît la légitime défense, la personne prévenue sera relaxée des faits reprochés. L’état de légitime défense profite à tous les coauteurs ou complices de la personne dont il est reconnu qu’elle était en état de légitime défense.

La personne relaxée ne pourra pas non plus être poursuivie sur le plan civil. Ainsi, la personne blessée ou les ayants-droits de celle-ci si elle est décédée, la légitime défense pouvant justifier l’acte de tuer, ne pourront pas demander des dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices.

La preuve de la légitime défense

Invoquer la légitime défense impose de la prouver dans les conditions de la loi (sur les modalités de la preuve, voir les articles 427 et suivants du code pénal).

Les juges ont une appréciation souveraine des faits. La légitime défense est donc appréciée par les tribunaux au cas par cas. Il convient donc de rapporter la preuve de la légitime défense à travers, par exemple, des témoignages, des bandes de vidéosurveillance, les procès-verbaux dressés par le service d’enquête, les constatations de l’unité médico-judiciaire, le suivi médical par le médecin traitant...

Conseil #1 :

Si vous avez fait usage d’un acte de défense lors d’une agression, vous serez entendu par le service d’enquête soit sous le régime de l’audition libre (article 61-1 du code de procédure pénale - voir notre infographie Audition libre) ou de la garde à vue (article 62-2 du code de procédure pénale - voir notre infographie Garde à vue). Vous pourriez également faire l’objet d’une mise en examen dans le cas de l’ouverture d’une information judiciaire. Nous vous conseillons de faire appel à un avocat en droit pénal afin de vous assister lors des auditions.

Cependant, il existe deux cas de présomption de légitime défense, inversant la charge de la preuve de la légitime défense, qui sont prévues par l’article 122–6 du code pénal.

Cet article prévoit :

« Est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l'acte :

1° Pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ;

2° Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. »

Il est visé les cas où une ou plusieurs personnes entrent de nuit dans un lieu habité (maison, appartement, locaux d’entreprise) afin de commettre une ou plusieurs infractions (vol, braquage, homicides…). Si une personne se fait cambrioler de nuit et qu’elle réplique avec une arme à feu, il existe ainsi une présomption de légitime défense.

Il appartiendra donc à l’autre partie de prouver que les conditions de la légitime défense n’étaient pas remplies. Il existe cette même présomption pour tout vol ou pillage exécuté avec tes actes de violence.

Etude de cas

Madame X a sollicité le cabinet Chapelle Avocat après avoir été placée en garde à vue et convoquée pour répondre de faits de violences avec arme.

Madame X a expliqué qu’elle était dans la rue et qu’elle s’était faite abordée par une ancienne connaissance qui était accompagnée d’une dizaine d’autres personnes. Elle indique avoir rejeté les invitations de cette connaissance puis avoir été encerclée par elle et ses amis, ces derniers se montrant agressifs envers elle. Elle a sorti un cutter et un couteau de son sac afin de repousser ses agresseurs. Elle a alors blessé une personne.

Le cabinet Chapelle Avocat a plaidé la légitime défense qui a été retenue par le tribunal. Afin de convaincre le tribunal que notre cliente était en état de légitime défense, il a été utilisé notamment les auditions de garde à vue de notre cliente, les témoignages des personnes ayant assisté à la scène et les témoignages des proches de notre cliente sur sa personnalité.

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