Pénal
31
October 2019

Newsletter - La collecte et l'exploitation des données des réseaux sociaux par l'administration fiscale et douanière

Newsletter - La collecte et l'exploitation des données des réseaux sociaux par l'administration fiscale et douanière

Newsletter - La collecte et l’exploitation des données des utilisateurs de réseaux sociaux par l’administration fiscale et douanière

La commission des lois a discuté le 30 octobre 2019 l'article 57 du projet de loi de Finances pour 2020 proposé par le gouvernement qui prévoit à titre expérimental pour une durée de 3 ans la collecte et l'exploitation au moyen de traitements informatisés et automatisés les contenues, librement accessibles, publiés sur internet par les utilisateurs des opérateurs de plateforme.

L'article 57 est ainsi rédigé

"(1) I. A titre expérimental et pour une durée de trois ans, pour les besoins de la recherche des infractions mentionnées aux b et c du 1 de l'article 1728, aux articles 1729, 1791, 1791 ter, aux 3e, 8e et 10e de l'article 1810 du code général des impôts, ainsi qu'aux articles 411, 412, 414, 414-2 et 415 du code des douanes, l'administration fiscale et l'administration des douanes et droits indirects peuvent, chacune pour ce qui la concerne, collecter et exploiter au moyen de traitements informatisés et automatisés n'utilisant aucun système de reconnaissance faciale les contenus, librement accessibles, publiés sur internet par les utilisateurs des opérateurs de plateforme en ligne mentionnés au 2e du I de l'article L. 111-7 du code de la consommation.

(2_) Les traitements mentionnés au premier alinéa sont mis en œuvre par des agents spécialement habilités à cet effet par les administrations fiscale et douanière._

(3) Lorsqu'elles sont de nature à concourir à la constatation des infractions mentionnées au premier alinéa, les données collectées sont conservées pour une durée maximale d'un an à

compter de leur collecte et sont détruites à l'issue de ce délai. Toutefois, lorsqu'elles sont utilisées dans le cadre d'une procédure pénale, fiscale ou douanière, ces données peuvent être conservées jusqu'au terme de la procédure.

(4) Les autres données sont détruites dans un délai maximum de trente jours à compter de leur collecte

(5) Le droit d'accès aux informations collectées s'exerce auprès du service d'affectation des agents habilités à mettre en oeuvre les traitements mentionnés au deuxième alinéa dans les conditions prévues par l'article 42 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

(6) Le droit d'opposition, prévu par l'article 38 de la même loi, ne s'applique pas aux traitements mentionnés au deuxième alinéa.

(7) Les modalités d'application du présent I sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

(8) II. L'expérimentation prévue au I fait l'objet d'une évaluation dont les résultats sont transmis au Parlement ainsi qu'à la Commission nationale de l'informatique et des libertés au plus tard six mois avant son terme."

La mise en place d’une politique de datamining de masse au service de la lutte contre la fraude fiscale

Ce nouvel outil s'intègre dans une politique de datamining d'ores et déjà en place au sein de l'administration fiscale et de l'administration douanière. Jusqu'à présent, la collecte et l'exploitation de données sont limitées aux données déclarées à l'administration ou publiées par des acteurs institutionnels. Le projet de loi aurait ainsi pour effet d'élargir considérablement les données que pourraient collecter ces administrations en leur permettant de collecter en masse et d'exploiter les données rendues publiques par les utilisateurs de réseaux sociaux et des plateformes de mise en relation par voie électronique.

Par le biais de ce nouvel outil, le gouvernement vise particulièrement à déceler les activités économiques sur internet non déclarées à l'administration fiscale ou douanière.

Cependant, cet outil pose de nombreuses questions quant au respect des libertés publiques et des perspectives d’intrusion dans la vie privée des personnes.

Ainsi, le dispositif sera déployé en deux phases. Une première phase dite d’apprentissage permettra à un algorithme auto-apprenant de déterminer des indicateurs visant à cibler les infractions visées par le dispositif sur la base d’une base de données anonymisées. Une seconde phase permettra à l’administration fiscale de collecter les données sur tous les sites visés à l’article L.111-7 I 2) du Code de la consommation. Sont ainsi visés les sites tel que Facebook, Twitter, Youtube, LeBonCoin, eBay, Airbnb, Instagram et de manière plus large toutes les marketplace du type Amazon.

Des garanties insuffisantes

Le gouvernement indique prévoir des garanties afin de limiter l'atteinte à la vie privée. La collecte et l'exploitation de ces données seraient à titre expérimental sur 3 ans et ne concernerait que les manquements les plus graves. Les informations collectées seront détruites dans un délai de 30 jours si elles ne sont pas de nature à concourir à la constatation des infractions recherchées et au maximum d'un an si elles ne donnent pas lieu à l'ouverture d'une procédure pénale, fiscale ou douanière. Seuls les agents habilités des administrations concernées pourront mettre en oeuvre les traitements envisagés et le droit d'accès aux informations collectées pourra s'exercer auprès du service d'affectation de ces agents. Le gouvernement a également prévu que le dispositif expérimental sera encadré par décret en Conseil d'Etat, soumis à l'avis de la CNIL et qu'un rapport sera remis au Parlement ainsi qu'à la CNIL 6 mois avant la fin de cette expérimentation.

La CNIL s'est prononcée dans un avis du 12 septembre 2019 sur le dispositif envisagé par Bercy (délibération n° 2019-114). Elle souligne qu'il s'agit d'un dispositif inédit qui témoigne d'un changement d'échelle dans l'utilisation de données personnelles par l'administration. Il traduit également un changement de moyens techniques en permettant le développement d'algorithmes destinés à améliorer le ciblage des contrôles fiscaux.

Si la CNIL rappelle la légitimité des objectifs poursuivis et constate que le projet comporte certaines garanties, elle s'inquiète des enjeux "très particuliers" d'un tel dispositif concernant les libertés eu égard à l'impact de celui-ci sur la vie privée et ses possibles effets sur la liberté d'expression en ligne. La CNIL a ainsi formulé un certain nombre de réserves visant à préserver un équilibre entre l'objectif de lutte contre la fraude fiscale et le respect des droits et libertés.

Une vigilance accrue en cas de contrôle fiscal et de poursuites pénales

Ce dispositif expérimental traduit une volonté de Bercy de lutter de manière efficace contre la fraude fiscale au risque de mettre en péril un certain nombre de libertés publiques. L'équilibre sera difficile à trouver tant les garanties apportées par le gouvernement sont maigres face aux risques d'un tel dispositif.

En cas de contrôle fiscal et de poursuites pénales fondées sur la collecte et l’exploitation des données issues de réseaux sociaux, il conviendra dorénavant de vérifier si ces données ont bien été rendues publiques par la personne contrôlée par l’administration fiscale et si le traitement de ces données par l’administration fiscale ou douanière a respecté les dispositions réglementaires et légales.

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