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13
October 2020

L'escape game permettant aux joueurs de « tuer » Emmanuel Macron peut-il être poursuivi en justice ?

L'escape game permettant aux joueurs de « tuer » Emmanuel Macron peut-il être poursuivi en justice ?

Par Alexis Orisni

Que feriez-vous si, après avoir kidnappé Emmanuel Macron, vous aviez le choix entre « le libérer », « le traduire en justice », « le laisser sur place » ou « abréger ses souffrances » ?

Si chacun(e) est libre de trancher en son âme et conscience, ce qui est sûr, en revanche, c’est que ce scénario à choix multiples proposé par un escape game toulousain a provoqué une vive polémique ces derniers jours. Nombre d’internautes n’ont pas manqué de s’indigner contre ce jeu « proposant de "tuer Macron" » selon la présentation qui en a été faite dans plusieurs médias.

Et bien que la gérante de l’escape game en question, Arkanes : Live Escape, se soit défendue, auprès de nos confrères de La Dépêche, de toute « incitation au crime », en arguant du « cadre humoristique » de ce scénario et de sa « liberté d’expression », certains, en ligne, appellent à porter plainte contre elle. Mais est-ce légalement possible ?

FAKE OFF

Pour Pascal Nakache, avocat au barreau de Toulouse, un tel scénario est théoriquement envisageable, mais pas forcément probable : « Il n’est pas impossible que la gérante soit poursuivie, il y a toujours un risque, mais il faut l’apprécier avec modération. Si le parquet décidait de la poursuivre, sous quel motif le ferait-il ? Probablement sous celui de l’outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique ou sous celui de l’incitation à la violence ».

Deux motifs également évoqués par Juliette Chapelle, avocate pénaliste au barreau de Paris, qui se montre toutefois plus circonspecte : « La loi pénale est d’interprétation stricte et cette situation ne correspond pas forcément aux critères d’infraction. On peut aussi envisager que ce soit perçu comme de la provocation à la commission d’un crime ou d’un délit mais cela nécessite qu’il y ait une tentative ou un accomplissement de l’acte. Il faudrait, dans ce cas de figure, qu’une personne participe à l’escape game et tente ensuite d’assassiner Emmanuel Macron. »

« Le scénario de l’escape game aurait pu être considéré comme un délit d’offense au chef de l’État, mais celui-ci a été supprimé en [août] 2013, dans la foulée d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) », ajoute Juliette Chapelle.

La « liberté d’expression », recevable ou non ?

Quelques mois plus tôt, la CEDH avait en effet estimé que la France avait violé la liberté d’expression en condamnant pour offense au chef de l’Etat un manifestant qui avait brandi une pancarte « Casse-toi pov’con » lors d’une visite de Nicolas Sarkozy en Mayenne.

« Cette jurisprudence de CEDH estimait que la liberté d’expression devait être entendue de manière très large, et, à mon sens, dans le cas de l’escape game, on est aussi dans le domaine de la liberté d’expression. Ce scénario est surtout humoristique, caustique, ce n’est pas un appel à la violence, on est plutôt dans la plaisanterie et le fait que ce soit un escape game confirme sa visée ludique », estime Pascal Nakache.

« Je ne suis pas sûre que la liberté d’expression soit un argument recevable en cas de plainte du chef de l’État ou du parquet », nuance pour sa part Juliette Chapelle, tout en soulignant : « Le simulacre de décapitation de Macron par des "gilets jaunes" à Angoulême a abouti à un non-lieu. Et les deux hommes qui avaient pendu un mannequin d’Emmanuel Macron lors d’une manifestation ont été condamnés à un stage de citoyenneté, donc nous ne sommes pas sur des condamnations pénales fortes. »

Aux yeux de l’avocate, le principal risque encouru par la gérante serait d’une autre nature : « On pourrait plutôt envisager une fermeture administrative de l’escape game pour trouble à l’ordre public. » Ironie du calendrier, l’établissement vient de fermer ses portes pour quinze jours… en raison des mesures de restriction entrées en vigueur à Toulouse pour lutter contre le coronavirus.

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