Pénal
15
December 2021

Homicide involontaire : définition, risques et peines

Homicide involontaire : définition, risques et peines

1/ Qu’est-ce que l’homicide involontaire ?

Constitue un homicide involontaire le fait de causer la mort de quelqu'un sans le vouloir. La loi prend en considération l’absence de volonté de tuer la victime, et en fait un délit. L’homicide involontaire se distingue du meurtre, prévu à l’article 221-1 du code pénal, qualifié de crime, en ce que la personne n’a pas donné volontairement la mort.

L’homicide involontaire peut-être caractérisé en cas d’accident de la route, d’accident du travail, ou de tout autre accident impliquant la mort de quelqu’un.

Pour être caractérisé par le tribunal correctionnel, l’infraction d’homicide involontaire demande la réunion de 3 éléments constitutifs : la mort d’autrui, le comportement fautif de l’auteur, et le lien de causalité entre la faute de l’auteur et la mort de la victime.

2/ La faute de l’auteur

L’article 221-6 du Code pénal prévoit que

Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

En cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende.”.

Cet article vise une diversité de fautes pénales, qui se traduisent toutes par une forme d'indifférence à des valeurs socialement protégées, en particulier la vie d'autrui et son intégrité corporelle. Ici, il n’est pas reproché à l’auteur d’avoir voulu la mort de la victime, mais de ne pas avoir pris les précautions nécessaires pour éviter le décès.

Peuvent être retenues contre quelqu’un de multiples fautes, classées selon deux catégories :

  • La faute simple
  • La faute qualifiée

2.1 La faute simple : le manquement à l'obligation générale de prudence et de diligence

Lorsque la faute a causé directement le dommage par la personne morale ou physique, une faute simple suffit.

Cette faute simple peut d’abord être :

  • Une maladresse : le défaut de dextérité
  • Une imprudence : la méconnaissance des règles de prudence conduisant à un risque excessif
  • Une inattention : la trop grande légèreté ou étourderie
  • Une négligence : l’omission fautive d’agir

La faute simple est aussi caractérisée en cas de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.

Dans les deux cas, la faute simple est retenue si l’auteur n’a pas effectué les diligences normales qui lui incombent. Cette faute résulte donc des agissements anormaux de l’auteur par rapport aux comportements qui peuvent être normalement attendus de lui.

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2.2 La faute qualifiée : la violation délibérée d’une règle écrite ou l’exposition d’autrui à un risque grave et connu

Depuis la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000, lorsque la faute a causé indirectement le dommage, une faute qualifiée est nécessaire pour retenir l’infraction.

L’existence d’une faute qualifiée repose sur l’une des deux fautes suivantes :

  • La faute délibérée par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement. Ici, la personne transgresse volontairement une obligation sans vouloir la mort de quelqu’un. La violation de la règle est ici délibérément voulue par l’auteur même si le dommage n’est pas recherché. Cette faute est d’une importance telle qu’elle peut aussi être constitutive d’une circonstance aggravante en cas d’homicide involontaire. A pu être qualifiée de faute délibérée par les juges : le non-respect de l’obligation de formation des salariés, le défaut d’hygiène et de sécurité par la faute de l’employeur, ou encore la faute du médecin en cas de non-respect des règles d’hygiène.
  • La faute caractérisée par l’exposition d'autrui à un risque grave et connu pour l’auteur. Ici, la faute n’est pas un manquement volontaire à une règle écrite mais constitue une imprudence grave pouvant générer un grand danger pour autrui. L’auteur ne pouvait ignorer les risques qu’il faisait courir à la victime.Cette connaissance des risques peut être relevée par les activités ou la fonction de l’auteur du délit, ou parce que ces risques font l’objet de signalement ou d’avertissement. A pu être qualifiée de faute caractérisée par les juges : les professeurs sans formation aux premiers secours n’ayant pu porter secours à un enfant qui s’est noyé lors d’une initiation à la voile ou encore le maire ne réglementant pas la circulation des dameuses et provoquant le décès d’un enfant renversé par ces engins.

Mise en garde #1

La faute de la victime n’est pas exonératoire de la responsabilité pénale de la personne qui a commis une faute, ayant entraîné la mort d’une personne, sauf s’il est démontré que la faute de la victime est la cause exclusive de l’accident (Crim., 7 mai 2019, n°18-80.418).

Focus sur les situations à risque en terme de poursuites pour homicide involontaire

Les situations à risque en termes de poursuites pour homicide involontaire sont notamment les entreprises travaillant dans le secteur de la construction et du bâtiment, les conducteurs de véhicules motorisés, les activités médicales ou encore les élus pour la mauvaise gestion de l’espace public.

A titre d’exemple, un dirigeant d’une entreprise de gros œuvre commet une faute caractérisée dès qu’il n’a pas respecté les obligations collectives de protection et l’obligation de sécurité imposées par le plan et le code du travail, et ce malgré de multiples rappels, ayant entraîné la mort d’un ouvrier. Le dirigeant d’entreprise a été déclaré coupable d’homicide involontaire et a été condamné à 1 an de prison avec sursis, 10 000 euros d’amende ainsi qu’à la publication de la condamnation dans un journal local (Crim., 31 janvier 2006, n° 05-81858).

Un maire d’une commune a également été condamné pour homicide involontaire pour la mort d’un enfant de 7 ans qui jouait sur une buse en béton sur une aire de jeux, aucune mesure de sécurisation n’ayant été prise par la commune (Crim., 2 décembre 2003, n° 03-83008).

C’est encore un conducteur d’une voiture qui a été condamné à 1 an de prison ferme en juillet 2021 pour avoir conduit un véhicule volé, qui a fait une sortie de route et est tombé dans la Saône, causant la mort du passager.

Un jeune automobiliste de 20 ans a également été déclaré coupable d’homicide involontaire et condamné à 1 an de prison avec sursis avec annulation de son permis de conduire et condamnation à verser une indemnisation provisoire de 20 000 euros pour l’épouse du défunt et 15 000 euros à chacun des enfants, en raison d’une faute d’inattention lors d’un dépassement ayant causé la mort d’un conducteur de scooter.

3/ Le lien de causalité : de la faute de l’auteur à la mort de la victime

L’existence d’une pluralité de fautes dans le Code pénal provient donc de la nature du lien de causalité, direct ou indirect entre la faute ayant provoqué la mort de la victime.

Le lien de causalité direct est caractérisé si la faute est la cause immédiate ou déterminante de la mort de la victime.

Le lien de causalité indirect est retenu si la f*aute a créé ou contribué à créer la situation* à l’origine de la mort d’autrui sans prendre mesures pour l'éviter.

La loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 a créé une distinction entre personnes physiques et morales pour la recherche du lien de causalité et de la faute demandée.

Pour les personnes physiques, la faute doit être :

  • Une faute simple en cas de lien de causalité direct
  • Une faute caractérisée ou délibérée en cas de lien de causalité indirect

Pour les personnes morales, il suffit d’établir un lien de causalité certain entre la faute et le dommage. Peu importe que le lien de causalité soit direct ou indirecte, toute faute (même légère) peut engager leur responsabilité pénale.

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4/ Le résultat : l’atteinte à la vie

Selon le Code pénal, l’homicide involontaire est caractérisé par la mort d’autrui. La mort de la victime constitue l’infraction. Les juges exigent que la victime soit vivante au moment de l’accident, et excluent donc toute application pour le fœtus.

Mise en garde #2

L’homicide involontaire peut être retenu même si la victime ne décède pas immédiatement des suites de ses blessures. Si la faute de l’auteur cause la mort de la victime dans les heures ou jours suivants, la juridiction pourra quand même le poursuivre pour homicide involontaire.

5/ Les peines applicables en cas d’homicide involontaire

Les peines encourues diffèrent selon la présence de circonstances aggravantes lors de la commission du délit.

5.1 Les peines principales

En l’absence de circonstances aggravantes, l'homicide involontaire est puni de 3 ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende.

Cependant, cette peine peut être aggravée selon le comportement de l’auteur :

  • En cas de faute délibérée de l’auteur : la peine maximale est de 5 ans d’emprisonnement et 75.000 € d’amende.
  • En cas d’homicide commis par le conducteur d’un véhicule : la peine maximale est portée à 5 ans d’emprisonnement et 75.000 € d’amende.
  • En cas de comportement dangereux par le conducteur d’un véhicule ayant commis un homicide : s’il existe une première aggravation liée à la conduite d’un véhicule automobile, une faute particulière du conducteur peut porter la peine à 7 ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende.

La loi vise ici plusieurs circonstances aggravantes : le conducteur alcoolisé ou sous l’emprise de stupéfiants, le conducteur non titulaire du permis de conduire, le conducteur ayant dépassé la vitesse maximale autorisée égale ou supérieure à 50 km/h, ou en cas de fuite du conducteur après l’accident qu’il a causé.

  • En cas de comportement particulièrement dangereux par le conducteur d’un véhicule ayant commis un homicide : si le conducteur du véhicule a commis ce délit en présence d’au moins deux circonstances aggravantes précitées, la peine encourue est alors de 10 ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende

5.2 Les peines complémentaires

Le juge peut décider de prononcer une peine principale à votre encontre, mais aussi de peines complémentaires s’il les estime nécessaires.

Aussi, le Code pénal prévoit 6 peines complémentaires :

  • L’interdiction d’exercer une activité publique, professionnelle ou sociale ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise
  • La suspension du permis de conduire pour une durée de 5 ans maximum
  • L’annulation du permis de conduire sans pouvoir demander la délivrance d’un nouveau permis pendant 5 ans
  • La confiscation d’une ou plusieurs armes détenues par le propriétaire
  • L'interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pendant 5 ans
  • Le retrait du permis de chasse sans pouvoir demander la délivrance d'un nouveau permis pendant 5 ans.

Mise en garde #3

Des peines spécifiques sont prévues en cas d’homicide involontaire commis par une personne morale. La peine principale est une amende pouvant atteindre 225.000 € d’amende, et peut être complétée par des peines complémentaires.

Ces dernières portent principalement sur l’exercice de votre activité professionnelle, en limitant l'exercice de plusieurs activités professionnelles ou sociales durant 5 ans, la confiscation de biens, ou encore la diffusion de la décision par la presse écrite ou par voie électronique.

6/ La procédure pénale pour homicide involontaire

6.1 Vous êtes mis en cause pour homicide involontaire

Si vous êtes mis en cause pour homicide involontaire, la procédure pénale peut prendre deux directions :

  • Une enquête sous la direction du procureur de la République au cours de laquelle vous serez entendu dans le cadre d’une garde à vue. Vous avez le droit à un avocat et de garder le silence pendant vos auditions.

Ensuite, vous pourrez être présenté au procureur de la République qui pourra décider de saisir le Juge des libertés et de la détention afin de décider des mesures de sûreté vous concernant dans l’attente d’un procès. Vous pourrez être soumis à un contrôle judiciaire, à une assignation à résidence sous surveillance électronique ou placé en détention provisoire.

Enfin, vous devrez vous présenter le jour de l’audience, en ayant préalablement pris contact avec un avocat pénaliste, qui aura étudié le dossier, défini une stratégie de défense en concertation avec vous et assurera votre défense le jour de l’audience.

A la suite de l’audience, vous recevrez le délibéré, c’est-à-dire la décision du tribunal correctionnel. Vous disposerez d’un délai de 10 jours pour faire appel. Passé ce délai, la décision sera définitive.

  • Si les faits sont complexes, le procureur de la République peut décider de saisir un juge d’instruction. Une information judiciaire est alors ouverte.

Vous serez alors mis en examen. La procédure sera plus longue mais votre avocat pourra solliciter des actes (audition, interrogatoire, confrontation, expertise, reconstitution…) auprès du juge d’instruction. En cas de rejet de la demande par le juge d’instruction, votre avocat devra saisir la chambre de l’instruction.

Comme dans le cadre d’une enquête, vous pourrez être placé sous contrôle judiciaire, à une assignation à résidence sous surveillance électronique ou placé en détention provisoire.

L’instruction prend fin après l’envoi d’un avis de fin d’information. Après observations et demandes finales de votre avocat, de l’avocat de la partie civile et du procureur de la République, le juge d’instruction rendra une ordonnance de non-lieu, vous ne serez donc pas renvoyé devant un tribunal correctionnel, ou une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel.

6.2 Vous êtes victime

Un de vos proches est mort en conséquence d’une maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement

Si vous avez appris que l’un de vos proches est décédé et qu’une enquête ou une information judiciaire est ouverte pour homicide involontaire, vous pouvez déposer plainte et vous constituez partie civile afin de demander des dommages et intérêts.

La procédure pénale étant longue, vous pouvez saisir la Commission d'indemnisation des victimes d'infraction (la CIVI), sans attendre la saisine du tribunal correctionnel, afin de solliciter une expertise médicale, une provision ou une indemnité définitive pour l'indemnisation de vos préjudices.

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